Entre roche, climats, plantes et au cœur des flux de matières, de nutriments et de vivants, les sols d’alpages…
Les sols d’alpages présentent une extraordinaire diversité en fonction de la nature de la roche, de la position topographique, de l’état d’avancement des processus de formations des sols, de l’histoire agropastorale (cf article Charline Giguet-Covex ; Manon Bajard), de la place dans le système herbe-troupeaux (cf article Jean Marcel Dorioz). L’ensemble de la gamme des sols de la région tempérée, des plus acides aux plus alcalins, des plus riches en nutriments aux plus pauvres, des plus superficiels aux plus profonds, coexistent dans les alpages. La caricature qui consiste à présenter les sols d’alpages comme des sols de montagne peu épais et peu “fertiles” ne résiste pas à l’observation. Même si de tels sols existent, il est possible de rencontrer aussi des sols profonds, riches et capable de supporter des productions de biomasses très importantes.
La galerie de photographies ci-dessous vise à présenter quelques exemples de sols d’alpages des Alpes du Nord. Elle illustre un certain nombre de traits pédologiques rencontrés fréquemment dans les sols des Alpages.
Figure 1. Sols dans l’alpage du mont d’Armenaz (Savoie). Notez la très grande profondeur du sol et le caractère relativement uniforme de ce Calcisol.
Figure 2. Sols dans l’alpage du lac d’Anterne (Haute-Savoie). Notez la faible épaisseur du sol avant le contact avec les matériaux parentaux (ici des schistes). Notez également la succession de niveaux de sols enterrés
Figure 3. Sols dans l’alpage de Bise (Haute-Savoie). Le profil est situé dans une zone de reposoir avec de très forts apports de nutriments (Azote, Phosphore) et sous une végétation de nitrophile (Rumex des Alpes; Chenopode bon-henri). On note également ici des traces d’oxydoréduction (tâches rouilles) mettant en évidence la présence d’un engorgement temporaire des horizons profonds – Traits rédoxiques- Redoxisol eutrophe.
Figure 4. Sols dans l’alpage du lac de Gers (Haute Savoie). Sur la gaucche de la photographie, on observe sur une marne, un sol sous une couverture herbacée de type Brunisol. Sur la droite et sur du grès, le sol est un Lithosol acide sous des Ericaées (Myrtille notamment).
Figure 5. Une improbable rencontre entre une Tarien et un Podzosol. Petit col d’Anterne (Haute Savoie) – Photo Pierre Jérôme Rey. La podozolisation est un processus pédogénétique dominant à l’étage montagnard et subalpin sous forêt et landes à Ericacées. Les véritables podzols sont néanmoins rares dans les alpages. En effet le processus suppose des apports majoritairement épidée de MO (pour favoriser la production de complexes organo-métalliques mobiles). Sur roche acide, sur les hauts de versants et les bosses déconnectés des apports de nutriments amont et/ou en marge des alpages dans les espaces peu pâturés ou abandonnés, les traits podzoliques sont cependant fréquents.
Figure 6. Thufurs – Col du petit Saint-Bernard (Savoie). Les thufurs ou “butte gazonnée” sont des reliefs fréquents dans les alpages des Alpes du nord notamment dans les zones de replats. La genèse de ces formes est une question restée longtemps sans réponse. On sait aujourd’hui que l’essentiel de ces formes correspondent à des formes reliques périglaciares liés à des alternances gel/dégel. Dans les Alpes, ces formes ont servis massivement de zones de repos et de traites des troupeaux. Ces activités ont contribué localement au maintien de ces formes.
Figure 7. Succession de paléosols – Alpage du lac d’Anterne (Haute-savoie). Les sols d’alpages sont souvent marqués par des histoires complexes avec des successions d’enfouissement par des matériaux nouveaux (lors de mouvements de terrain, glissements par exemple) et de nouvelle pédogenèses. Ces sols marqués par des successions de paléosols sont dits complexes ou polygénétiques.
Il n’existe ainsi pas vraiment de traits pédologiques spécifiques et universels des sols d’alpages. La nature de la végétation prairiale leur confère néanmoins quelques caractéristiques fréquentes. L’apport de matières organiques par les racines (exsudats racinaires et racines morte en décomposition) est très important et dépasse très largement les apports par la surface. Ce caractère, commun dans les écosystèmes prairiaux, est renforcé par le caractère montagnard et subalpin avec un fort investissement des plantes d’altitudes dans la production de structures racinaires (Körner, 2014). Cette entrée de carbone organique dit endogé (par opposition aux entrée épigé lié à un dépôt à la surface de sol dans une litière) conduit à une décroissance lente des teneurs en carbone avec la profondeur. Les stocks de carbone organique sont ainsi souvent élevés quand on intègre l’ensemble des profils.
Avec le concours du mécénat de